Biographie de Saint Charles Borromée

Humilitas ! Cette devise figurant en lettres d’or sur le blason familial aurait pu paraître bien incongrue chez les Borromée, tant ils n’étaient pas habitués à la pratiquer. Il revint pourtant au plus illustre de leurs enfants de l’illustrer, et de quelle façon !

Sa jeunesse

Deuxième fils du comte Gilbert II Borromée et de Marguerite de Médicis de Marignan, Charles, né à Arona le 2 octobre 1538, était par sa mère le neveu du cardinal Jean Ange de Médicis de Marignan.

En 1547, il reçut la tonsure la charge d’abbé commendataire de l’abbaye d’Arona, dans la province de Manfredonia. Manifestant déjà la vertu de charité qui marquera toute sa vie, il en reversera la totalité des revenus aux pauvres.

Le jeune Charles entreprit par la suite des études de droit canonique et civil à Pavie. En 1559, il devint docteur in utroque jure.

Son père étant mort en 1558, et bien qu’il eût un frère aîné, Charles fut appelé dès cette date à gérer les affaires de sa puissante famille. La même année, il reçut également les titres d’abbé commendataire de San Silano de Romagnano, et prieur commendataire de Santa Maria di Calvenzano, en perçevant ainsi les bénéfices.

A Rome

Le 25 décembre 1559, son oncle maternel fut élu pape sous le nom de Pie IV. Le nouveau pontife appela immédiatement à Rome ses neveux Charles et Frédéric Borromée, nommant le premier son secrétaire privé et administrateur apostolique de Milan. Ce dernier titre titre lui permettait de gérer les affaires temporelles du diocèse (et d’en perçevoir les revenus) sans avoir à en assumer la charge spirituelle, Charles n’étant même pas prêtre à cette époque.

Ce n’était qu’un début, car il a plu au nouveau pape de combler son neveu de titres et d’honneurs : en 1561, et bien que n’étant que simple clerc tonsuré, Pie IV le créa cardinal et en fit son secrétaire d’Etat (à l’époque cardinal-neveu, ce qui correspondait effectivement à sa situation). Charles fut également légat apostolique à Bologne, en Romagne et dans les Marches, archiprêtre de la basilique Sainte Marie Majeure et Préfet de la Congrégation Consistoriale.

En 1562, le comte Frédéric Borromée, frère aîné de Charles, mourut brusquement. Sa famille insista pour que Charles renonce à ses charges ecclésiastiques et fonde une famille. Mais Charles avait déjà choisi de ne rien préférer à l’amour de Dieu et en 1563 il reçut successivement le sacerdoce et l’épiscopat, devenant ainsi archevêque de Milan.

Le concile de Trente était alors suspendu depuis près de huit ans, sans avoir terminé ses travaux. Ce fut l’une des grandes oeuvres de Charles de persuader son oncle mais également les divers souverains d’Europe de convoquer la dernière session du concile : il y consacra deux ans de négociations avant que la sainte assemblée puisse se réunir en toute sécurité et indépendance, sa continuité étant désormais garantie. En 1566, le concile étant terminé, il revint à Charles de diriger les travaux de rédaction du Catéchisme du Concile de Trente, lequel est resté en vigueur jusqu’à la promulgation du Catéchisme de l’Eglise Catholique par Saint Jean-Paul II.

Pendant ses années romaines, Charles s’attacha également à réformer la chapelle musicale vaticane, exigeant selon les prescriptions du concile, qu’on cherchât à obtenir l’intelligibilité des paroles et une musique en rapport avec le texte chanté.

A Milan

A la mort de Pie IV en 1566, Charles se démit de toutes ses fonctions pour aller résider dans son diocèse de Milan. Celui-ci était alors dans un état moral et spirituel désastreux, et aucun de ses archevêques n’y avait résidé depuis plus de quatre-vingt ans.

Le cardinal Borromée, dès son arrivée, donna dans son diocèse l’exemple de la sainteté et s’attacha à restaurer la discipline selon les normes de la Contre Réformes voulues par le concile de Trente. C’est avec raison qu’il est appelé le modèle des évêques et le restaurateur des vertus, tant il fit preuve pendant son épiscopat d’une science, d’une persévérance et d’un renoncement à l’amour de soi qui justifient ces titres.

Cette discipline, il se l’imposa d’abord à lui-même, vivant dans l’ascétisme le plus rigoureux, portant le cilice, allant jusqu’à dormir par terre (il avait vendu tous ses meubles précieux pour faire un don en argent aux pauvres) et à ne prendre qu’un repas maigre par jour, voulant ainsi s’offrir lui-même en victime pour les péchés de son peuple, comme le Christ s’immola en croix pour ceux du genre humain tout entier.

Tout d’abord, il ouvrit un grand séminaire à Milan, un séminaire helvétique pour former des prêtres devant exercer en Suisse menacée par les progrès du protestantisme, et plusieurs petits séminaires pour assurer au clergé une formation convenable. Il imposa également aux communautés religieuses de revenir à l’observance de leur règle et fit remettre les grilles aux parloirs des couvents.
Dans son oeuvre réformatrice il s’appuya sur les Jésuites, les Théatins et les Barnabites, et fonda une nouvelle congrégation, les Oblats de Saint Ambroise en 1578.

Se dépensant sans compter, Saint Charles s’attacha également à visiter chacune des paroisses de son immense diocèse, fit restaurer ou construire plusieurs églises, monastères et établissements d’enseignement, et, pour s’assurer de la bonne application des réformes qu’il voulait introduire, tint pas moins de onze synodes diocésains et six conciles provinciaux et instaura un conseil permanent pour veiller à l’application de leurs décisions. A ces assemblées, s’ajouta l’interminable et admirable suite des mandements généraux ou spéciaux, lettres pastorales, instructions aux confesseurs, sur la liturgie, la tenue des églises, la prédication, les sacrements : une véritable encyclopédie pastorale, dont l’ampleur grandiose ne laisse pas soupçonner la brièveté de l’existence de leur auteur.

Bien évidemment, tous ces changements, cette lutte incessante contre les abus et dérèglements en tous genres rencontrèrent de vives résistances, de la part des évêques de la région négligents des affaires de leur diocèse, du chapitre de la cathédrale imbu de ses privilèges, du clergé habitué à vivre dans le relâchement moral et la molesse spirituelle, mais également de la noblesse lombarde depuis longtemps accoutumée à s’ingérer dans les affaires de l’Eglise. L’une des plus fortes fut celle de l’ordre dit des Humiliés, dont les idées dérivaient en outre vers le calvinisme. L’un des membres de cet ordre n’hésita pas à commettre un attentat contre Saint Charles en tirant un coup d’arquebuse dans son dos, alors que le cardinal étant en prière dans son oratoire privé, ajoutant l’horreur du sacrilège (l’attentat a été commis dans une chapelle) à celle de la tentative de meurtre. Fort heureusement, Saint Charles s’en tira avec une éraflure à l’épaule. Bien que Charles fut prêt à pardonner à son aggresseur, l’ordre des Humiliés fut dissous et ses biens répartis entre d’autres ordres et églises du diocèse.

La sollicitude pastorale de Saint Charles trouva encore à s’exprimer de façon éclatante pendant la famine de 1570 et surtout lors de la peste qui affecta Milan en 1576 et 1577. N’hésitant pas à interrompre une visite pastorale pour rentrer en ville malgré le danger de la contagion, il porta secours aux malades autant qu’il le pouvait. L’Histoire a surtout retenu à cette occasion la grande procession dont il prit la tête, pieds nus et la corde au cou, tenant en mains une croix de bois dans laquelle avait été enchâssée la relique du Saint Clou, à la suite de quoi l’épidémie cessa.

Mort et canonisation

A la fin d’octobre 1584, s’étant retiré au Sacro Monte de Varallo pour méditer sur la Passion de Notre Seigneur, Saint Charles, affaibli par les mortifications, tomba malade. Ramené en litière et atteint d’une forte fièvre jusqu’à Milan, il s’éteignit dans la nuit du 3 au 4 novembre 1584 à l’âge de 46 ans, couché sur le sac et la cendre, les yeux fixés sur le crucifix qu’il tenait à la main.

Il fut béatifié en 1602 et canonisé le 1er novembre 1610 par le pape Paul V. Sa fête, de 3ème classe dans l’église universelle mais de 1ere classe dans notre paroisse dont il est le patron, est fixée au 4 novembre.

En 1910 le pape Saint Pie X publia l’encyclique Editae Saepe, célébrant la mémoire de Saint Charles.

Saint Charles est le saint patron des séminaristes et des directeurs spirituels. Il repose dans la cathédrale de Milan.

Saint Charles est ainsi l’un des plus beaux ornements de l’Eglise au XVIè siècle. La collecte de la messe de sa fête résume, admirablement et en peu de mots ce que fut sa vie : pastoralis sollicitudo gloriosum redidit (la sollicitude pastorale le rendit glorieux).

Sancte Carole, gloriose patrone, ora pro nobis ! Successeur de Saint Ambroise, vous fûtes l’héritier de son zèle pour la maison de Dieu. Votre action fut puissante aussi dans l’Eglise, et vos deux noms, à plus de mille ans d’intervalle, s’unissent dans une commune gloire. Puissent de même s’unir au pied du trône de Dieu vos prières au profit de nos temps amoindris ; puisse votre crédit au Ciel nous obtenir des chefs dignes de continuer, de reprendre au besoin, votre oeuvre sur terre ! Elle éclata de vos jours en pleine évidence, cette parole des Saints Livres : « tel le chef de la cité, tels sont les habitants », et cette autre encore : « j’enivrerai de grâce les âmes sacerdotales et mon peuple sera rempli de mes biens, dit le Seigneur ». (Dom Guéranger).